Ma passion pour les robes remonte à ma prime enfance. Certes, un peu traumatisée par les robes chasubles bleu-marines, j'ai aussi grandi dans de divines robes à fleurs et à smocks. De là me vient sans doute ce parti-pris pour un vestiaire essentiellement constitué de robes, puisque je ne porte quasiment que cela, et que j'en possède une belle collection, robes actuelles ou vintage, dénichées ici ou là, au gré des hasards et de mes envies.
J'ai aussi, depuis mon enfance, une passion pour la Haute-Couture et une admiration sans bornes pour le travail absolument époustouflant de Madame Grès, et de ses fameux plissés antiques. Aussi, lorsque j'ai appris que le Musée Antoine Bourdelle accueillait pour quelques mois une exposition à ses oeuvres consacrées, me suis-je précipitée pour la voir. En tant normal, l'exposition aurait dû se tenir au Musée Galliera (Musée de la Mode de la Ville de Paris) mais, pour cause de travaux jusqu'en 2012, celui-ci a organisé hors ses murs cette exposition. (du 25 mars au 24 juillet 2011).
Je n'avais jamais visité le musée Bourdelle. Ses monumentales statues, ainsi que ses autres oeuvres, non moins gigantesques. C'est dans ce décor, massif et presque écrasant, dans une première salle aux volumes gigantesques, que quelques travaux de Madame Grès sont exposés, robes en suspension dans l'air au milieu des statues, comme des apparitions arachnéennes, vaporeuses, éthérées, presque irréelles et fantômatiques.
Maître de la couture et reconnue par ses pairs, Madame Grès (dont le vrai nom est Germaine Krebs) n'a cessé de répéter tout au long de sa vie qu'elle voulait être sculpteur. Quoi de mieux donc qu'un écrin de sculptures pour accueillir ses créations.
Madame Grès est une pionnière dans l'univers de ce qu'on appelle aujourd'hui la Haute-Couture (par référence à son opposé, le prêt-à-porter, notions qui n'existaient guère de son temps). Elle a en effet apporté sa propre vision du vêtement, inventant des plissés étonnants, des coupes "de biais", robes s'inspirant des costumes des tragédies antiques. Ses nombreux voyages, qui lui firent parcourir le monde entier, lui apportent une vision qui va de la statuaire héllénistique au minimaliste dont elle est précurseur dans l'univers de la mode.
Dès 1933, ses modèles sont déjà reconnus.
En 1942, Germaine Krebs ouvre sa première maison de couture sous le nom d'Alix Grès, qu'elle dirigera jusqu'en 1988. Elle invente alors des robes somptueuses, intemporelles, à l'économie de lignes et de volumes, transformant ainsi la silhouette des femmes.
Ses robes asymétriques, toujours d'une grande modernité (encore à notre époque), moulées près du corps, ses exigences de création, insensible aux goûts du moment et aux tendances de la mode, sont autant de chefs-d'oeuvre d'une incroyable précision, ses plissés semblent "ciselés" et "modelés" à même le corps qui, bougeant, donne à ces robes des mouvements uniques, ondulatoires, extrêmement vivants et féminins.
Le tissus le plus souvent travaillé par Madame Grès est le jersey de soie, matière qui se prête à la fluidité de mouvement et au travail du plissé qui a fait sa renommée.
Ses robes paraissent en effet totalement "sculptées" les plissés, effectués patiemment, comme un travail de fourmi, un par un.
Le génie de Madame Grès est reconnaissable également par le fait qu'elle était la seule, en ces années, à travailler les coupes de ses robes "en biais" (certaines robes comptent jusqu'à 3 ou 4 coupes de biais différents !!).
Le musée Antoine Bourdelle propose au public environ 80 créations parmi les plus emblématiques de l'oeuvre de Madame Grès.
On la voit d'ailleurs ici en pleine séance de travail, exécutant directement ses plissés sur le modèle.
Immortalisées par les plus grands photographes de mode, de Richard Avedon à Guy Bourdin, les créations de Madame Grès seront souvent et très largement présentées dans des revues de mode.
Elle a d'ailleurs été reconnue par la profession, qui lui a décerné un Dé d'Or en 1976, saluant ainsi son exceptionnel travail et l'apport visionnaire et moderne qu'elle a donné aux robes, tant du soir que de jour.
Bien au-delà des modes et de ses diktats, Madame Grès a su traverser et résister aux styles pour imposer sa griffe durant les années 40, 50, 60 et 70. Ses modèles restent aujourd'hui une source d'inspiration inépuisable pour nombre de grands couturiers.
Un seul regret pour moi à la fin de la visite de cette exposition sublime, pas de vente de cartes postales, ni de l'affiche de l'exposition. J'aurais aimé pouvoir emporter chez moi, à défaut de toutes ces robes, au moins un peu de l'âme de Madame Grès.
Il existe cependant un très beau catalogue de l'exposition.
Pam Baileys
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