lundi 18 mars 2013

Fleur de tonnerre de Jean Teulé


Le nouveau roman de Jean Teulé vient de sortir, et je l'ai lu d'une traite. Jean Teulé est un écrivain que j'aime énormément. Il sait comme personne nous conter des histoires au coin de l'âtre, des histoires tirées d'improbables et pourtant réels faits divers (Mangez-le si vous voulez, Darling etc...), et relater l'Histoire par son bout de lorgnette à l'humour grinçant et décapant, mais toujours en mots de dentelles et de perles rares (Le Montespan est un chef-d'oeuvre de drôlerie grinçante et d'humour implacable). Sous sa plume délicate, fleurie, poétique, acerbe, qui déroule des calligraphies de mots doux et acidulés comme des bonbons Arlequin, c'est tout une atmosphère, un champ lexical qui lui est propre, il joue et se joue des mots, des métaphores sublimes (mais où va-t-il trouver ses pépites ?), il plante des décors à l'improbable beauté, il magnifie ou zigouille tout à l'envi, bref, c'est un régal de lecture !

Et Fleur de Tonnerre n'échappe pas à la règle. Encore un fait divers qui nous entraîne cette fois-ci dans un road-movie breton-bretonnant. 

Au début du XIXe siècle, un siècle noyé dans les légendes celtes et bretonnes plus tenaces et terrifiantes les unes que les autres, mêlées de croyances et de superstition, un personnage effraie les enfants (et leurs parents) : il s'agit de l'Ankou, qu'on pourrait nommer aussi "La grande faucheuse" si l'on n'est pas de l'Ouest.

Et la petite Hélène Jégado (que sa mère nomme Fleur de tonnerre), 6 ans, a été élevée avec ces légendes et croyances. L'Ankou rôde autour des menhirs contre lesquels elle aime à s'adosser, dans son esprit de petite tête blonde à l'innocent minois, Hélène est l'Ankou. Bientôt, mue par on ne sait quels démons de l'enfance, la candide et pure enfant s'emploie déjà à empoisonner son amie d'enfance, la petite Le Mauguen, en mettant des grains de belladonne dans sa soupe.

Le monstre qu'elle devient dès lors va décimer sans compter, sans aucun remords et sans plus de mobile apparent que cette "mission divine" qu'elle entend (qui la pousse à sillonner la Bretagne, en tant que cuisinière ambulante, proposant ses bons et loyaux services à qui voudra bien l'embaucher). Et bien mal leur en prendra. Hélène Jégado empoisonne partout où elle passe. Elle arse-nique tout sur son passage. Illettrée, elle ne sait même pas que ce qu'elle saupoudre dans sa fameuse soupe aux herbes et dans son non moins fameux petit gâteau se nomme arsenic ! (La Reuzenic'h, dit-elle).

Sitôt en place, elle n'a de cesse de cuisiner ses deux spécialités dont personne ne se remet vivant. Tout le monde y passe, y compris sa propre famille. Vêtue pauvrement, baluchon par-dessus l'épaule, Hélène Jégado, l'une des plus grandes meurtrières de son époque, serial-empoisonneuse à qui tout le monde donnerait le bon Dieu sans confession, creuse son chemin dans cette Bretagne rude, aux terres souvent hostiles, talonnée durant tout son périple par deux normands itinérants collecteurs de cheveux humains.

Pendant plus de 20 ans, et en toute impunité, Hélène Jégado va user de sa poudre mortelle, une pincée par-ci, une pincée par-là. Là où elle passe, tout le monde trépasse mais elle n'en a cure, elle voyage librement, sans aucune inquiétude, oeuvrant à dépeupler la lande bretonne.

Elle ne sera finalement confondue qu'un peu avant ses 50 ans par des gendarmes et médecins, qui la traduiront en justice. Au cours de son procès, Hélène Jégado ne manifestera ni regrets ni repentir.  Vieille femme malade, elle subira son sort et acceptera le verdict (la guillotine) comme si elle était étrangère à elle-même et à toutes ses victimes.

(Fleur de Tonnerre, de Jean Teulé, sortie mars 2013, éditions Julliard)


Pam Baileys

2 commentaires:

  1. C'est fou parce que j'adore les thèmes et les histoires de Jean Teulé mais je n'ai jamais été capable de dépasser 2 chapitres de ses livres. J'ai essayé, rééssayé ... rien n'y fait, je ne comprends pas son écriture. Et pourtant quand il est interviewé, j'ai tout de suite envie d'acheter ses livres. Un grand mystère et sûrement une grande perte pour moi ...
    Kate

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  2. Ha il me le faut!!! Je suis passée devant une librairie hier: flute dimanche!
    Chère Pam, tu me fais encore plus piaffer, un régal de mise en bouche que te lire à ce sujet :-)

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