mercredi 2 janvier 2013

Loving Franck

Commençons l'année par un bon livre !
En fait un livre que j'ai terminé le 31 décembre 2012, qui clôture ainsi une fin d'année placée sous le signe de la littérature, et j'en suis très heureuse.
Entre La vie rêvée d'Ernesto G. et Viviane Elisabeth Fauville, j'ai avalé La fiancée de Bombay conseillé par Pam, que je ne peux que vous conseiller à mon tour : un vrai tourbillon au rythme de l'Inde des années 30 ! prenant !
 
Aujourd'hui je vous emmène quelques années avant, entre 1909 et 1914, au coeur d'une histoire entre une femme, libre et féministe (même si je n'aime pas trop ce mot) et un homme, célèbre et passionné.
Il s'agit de Mamah Borthwick Cheney et Frank Lloyd Wright et de Loving Franck de Nancy Horan, ed. Buchet Chastel (aussi en Livre de Poche)


Je vous livre la 4e de couverture :
"Au début du XXe siècle, la bonne société de Chicago resta foudroyée par le soufre d'un scandale sans précédent.
Pour l'amour éperdu d'un homme, une femme osa l'impensable et commit l'irréparable. Elle en paya le prix toute sa vie. Elle s'appelait Mamah Borthwick Cheney. Lui n'était autre que Frank Lloyd Wright, l'enfant génial et rebelle de l'architecture américaine à qui Mamah et son mari Edwin Cheney avaient demandé, en 1903, de construire leur nouvelle maison. En 1909, tombée entre-temps follement amoureuse du célèbre architecte, Mamah choqua une époque pudibonde et dévote en quittant son mari et ses deux jeunes enfants pour suivre Frank Lloyd Wright en Europe. Ce dernier, tout aussi épris, laissait derrière lui une Amérique stupéfaite, une épouse et six enfants... Enchaînés par la passion, mais hantés par une culpabilité intolérable, ils firent la une de la presse américaine durant leurs séjours en Allemagne, en Italie et à Paris, lors de la grande crue de 1910...
Mais aucun journal à sensation n'aurait pu prévoir ce qui adviendrait à ce couple maudit de retour aux États-Unis, en 1914. La violence du dénouement verra - au-delà du déchirement des familles Cheney et Wright - le monde pétrifié.
Pour la première fois nous est contée l'histoire de l'émancipation très en avance sur son temps de Mamah Borthwick, et de son amour pour l'un des plus grands maîtres de l'architecture moderne."
 
Franck Lloyd Wrigth et Mamay Borthwick Cheney à 40 ans, l'âge de leur fuite en Europe
 
L'auteur a su rendre l'histoire entre ces 2 êtres réaliste, intime, crédible, forte, passionnée, triste ... Elle transcrit la vie. La vraie vie. Leur vie. Evidemment c'est romancé mais si bien fait que l'on ne peut que croire que cela se soit passé ainsi.
C'est le premier roman de Nancy Horan, journaliste américaine, pour lequel elle reçoit le prix Fenimore Cooper de la meilleure fiction historique. Et elle le mérite !
 
Penser qu'en 1909, dans la bonne société de Chicago, une femme quitte son mari et surtout ses enfants, pour suivre un homme en Europe, est absolument incroyable. Car ce livre est bien l'histoire de cette femme qui décide de vivre sa vie de femme à une époque où le divorce est dégradant, où les femmes ne votent pas, où elle sera jugée bien plus durement qu'un homme.
Bien sûr, elle pense à ses enfants, elle est déchirée à l'idée de les laisser si jeune (6 et 2 ans) mais elle ne peut plus vivre avec un homme qu'elle respecte mais qu'elle n'a jamais aimé. Elle en peut plus vivre une vie non choisie.
Avec Franck Lloyd Wright elle vie une histoire d'amour et une symbiose intellectuelle. Elle vit enfin la vie rêvée. Enfin presque ...
Parce que ses enfants seront toujours un poids dans son coeur. Parce qu'elle sait qu'elle a renoncé à eux pour une cause plus forte encore.
La presse, la bonne société, les "gens" seront très durs avec elle. Et c'est une des raisons pour lesquelles elle laissera ses enfants tranquilles, ne pouvant pas leur faire endurer plus.
 
Article de 1911 sur la fuite des 2 amants
 

Comment laisser aussi longtemps de petits enfants ? ses enfants ?
Certes en 1909, on était fréquemment séparés de sa famille (pensions, voyages très longs, les gouvernantes ...), certes Freud et Dolto n'étaient pas encore passés par là.
Elle renouera les liens avec eux, cela sera difficile, elle saura ne pas être encore plus égoiste et laissera le temps jouer en leur faveur et effacer petit à petit les rancoeurs de 2 jeunes enfants.
 
Au fur et à mesure de la lecture, je me rends compte que cette femme a du souffrir mais que son choix était fait : la liberté. Et en faisant cela elle agit pour le combat des femmes pour l'indépendance et cela nous rappelle qu'il fut long et douloureux. Ce livre remémore le courage de certaines d'entre elles qui, par leurs choix de vies, firent avancer les choses.
Car Mamah devait aller au delà de son rôle de mère. Elle devait s'accomplir et le fera en vivant l'amour choisi mais aussi en travaillant pour une féministe suédoise, Ellen Key, qu'elle traduira.
 
Ce livre rappelle que pour faire avancer des causes, certains se sacrifient.
Et cette histoire en particulier, nous montre que l'égoisme dont font preuve ces 2 personnes (car c'est quand même cela qu'il se passe, ils partent et laissent leur famille avec les conséquences de leur geste démesuré pour l'époque) les consume. Leur amour ne sera jamais complet, ils savent ce qu'ils ont fait, mais ils devaient le faire.
 
Je ne vous raconterai pas la fin. Je ne la connaissais pas. Je la redoutais en lisant la 4e de couverture. La véracité du récit permet de l'admettre, enfin presque ....
 
Je vous ai peu parlé de Franck Lloyd Wrigth car c'est bien l'histoire de cette femme qui m'a marquée mais cet homme célébre, très attachant et génie de l'architecture, est en quelque sorte, lui aussi précurseur de la condition féminine.
Ce sont 2 personnes indépendantes, qui ne voient pas l'homme ou la femme, mais qui sont libres en tant qu'être humain, sans barrière.
 
Si vous ne connaissez pas Franck Lloyd Wright, voici 2 de ses réalisations emblématiques.
Il allait à l'encontre du classicisme ambiant. Son architecture était organique, ses maisons devaient être en accord avec la nature et avec le mode de vie de ses habitants. Tout dans la maison contribuait à l'effet voulu par l'architecte, le décor ne devait pas défigurer l'ensemble.
 
La maison sur la cascade, 1936, Pennsylvannie
 
Le musée Guggenheim de NYC, 1959
 
 
Vous l'aurez compris, j'ai été emballée par ce livre. L'histoire et Franck et Mamah me suivra longtemps. Je garderai en moi leur engagement, leur liberté, leur égoisme aussi, leur vitalité, leur sensibilité.
Nancy Horan a vraiment réussit ce premier roman, aussi bien par le sujet, dense et riche, que par son écriture, précise, sensible et puissante.
Et surtout merci à elle d'avoir porté à la lumière l'incroyable destin de Mamah Borthwick Cheney, et de parler de la cause des femmes aussi intelligemment.
 
Kate Manzana
  

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